✔ La folle journée de l'affaire Vincent Lambert

✔ La folle journée de l'affaire Vincent Lambert

"On espère que la CEDH saura ne pas prolonger inutilement le temps de l'instruction", a déclaré le médecin de Vincent Lambert, Eric Kariger, après la demande en urgence de maintenir en vie son patient en état végétatif depuis six ans.

Qu'ils soient favorables à l'arrêt ou au maintien de son traitement, les proches de Vincent Lambert sont passés par tous les états en quelques heures, mardi 24 juin. Alors que le Conseil d'Etat français venait à peine de se prononcer pour « un arrêt de traitement » du patient tétraplégique, en état végétatif depuis six ans, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), saisie en urgence par les parents de l'homme de 37 ans, a demandé de ne pas appliquer cette décision et de maintenirVincent Lambert en vie avant qu'elle se prononce.

  • 16 heures : le Conseil d'Etat autorise l'arrêt de tout traitement

 

La décision de la CEDH pourrait intervenir d'ici à quelques mois. « Tout ce qui se passe actuellement est certes inédit, mais pas anormal, analyse Nicolas Hervieu, juriste au CREDOF (Université Paris-Ouest). La décision de la Cour européenne peut surprendre, mais elle n'est pas un désaveu de la solution du Conseil d'Etat. »

En milieu d'après-midi, la décision tant attendue tombe. Le Conseil d'Etat souligne que « que l'état médical le plus grave, y compris la perte irréversible de toute conscience, ne peut jamais suffire à justifier un arrêt de traitement » mais estime« qu'une attention toute particulière doit être accordée à la volonté du patient », selon les mots de son vice-président, Jean-Marc Sauvé. Or M. Lambert « avait, avant son accident [en 2008], clairement et à plusieurs reprises exprimé le souhait de ne pas être artificiellement maintenu en vie ».

 

Cette « volonté exprimée par M. Lambert » vient s'ajouter à une expertise médicale ordonnée par le Conseil d'Etat en février. Celle-ci avait conclu « à une dégradation de l'état de conscience de M. Lambert, correspondant désormais à un état végétatif, au caractère irréversible des lésions cérébrales et à un mauvais pronostic clinique ». Les juges ont ainsi suivi l'avis du rapporteur public, Rémi Keller, qui s'était prononcé le 20 juin en faveur d'un arrêt des traitements.

Pour comprendre les conséquences de cet arrêt, lire : Les scénarios après la décision du Conseil d'Etat

  • L'épouse et une partie de la famille soulagées, les parents scandalisés

« Le mot soulagement n'est pas le plus approprié, déclare alors au Mondel'épouse de Vincent Lambert, Rachel, après la décision du Conseil d'Etat. C'était une étape importante et cruciale et effectivement la volonté de Vincent a été entendue. » Le neveu de M. Lambert se dit soulagé de cette décision, estimant toutefois que « la loi Leonetti n'est pas suffisante [...]. Ce n'est même pas une loi, pour moi, c'est un protocole de soin ». Le médecin du CHU de Reims en charge de son dossier, Eric Kariger, répète lui que « les traitements utilisés relevaient de l'acharnement thérapeutique ».

Lire l'intégralité des réactions : Arrêt des soins de Vincent Lambert : « Nous avons fait de notre mieux »

Mais avec cet arrêt, les juges du Conseil d'Etat ont rejeté la demande des parents de Vincent Lambert, ancien infirmier en psychiatrie, hospitalisé depuis un accident de la route en 2008. Pierre et Viviane Lambert, catholiques traditionalistes, ainsi qu'un frère et une sœur de Vincent Lambert, l'estiment en effet toujours« présent » et réclament toujours son maintien en vie. Selon eux, le CHU de Reims le « maltraite » et le Conseil d'Etat n'a pas tenu compte du fait que Vincent Lambert ait « retrouvé le réflexe de déglutition ».

Lire l'enquête : Vincent Lambert, le prisonnier

  • 22 heures : la CEDH demande de ne pas arrêter le traitement

En début de journée, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait annoncé avoir été saisie en urgence par les parents de Vincent Lambert, au cas où la décision du Conseil d'Etat leur serait défavorable. Dans la soirée, quelques heures après l'annonce des juges du Palais-Royal, la CEDH a ainsi demandé au gouvernement « de faire suspendre l'exécution de cet arrêt pour la durée de la procédure devant la Cour ». « Cette mesure implique que Vincent Lambert ne soit pas déplacé avec le but d'interrompre le maintien de son alimentation et de son hydratation », précise-t-elle.

La juridiction s'appuie sur l'article 39 de son règlement, qui prévoit qu'elle peutimposer aux Etats des mesures urgentes et provisoires, « à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés – en l'absence de telles mesures – à un risque réel de dommages graves et irréversibles ». Le ministère de la justice s'est contenté de confirmer que la CEDH avait « demandé la suspension momentanée de la décision du Conseil d'Etat pour que le dossier puisse être examiné sur le fond ».

  • « Soulagement » contre dénonciation d'un « acharnement » dans la famille

Selon un de leurs avocats, les parents de Vincent Lambert ont été « infiniment soulagés » en apprenant la décision de la CEDH. « Les larmes de Viviane, la mère de Vincent, qui coulaient à la décision de mort du Conseil d'Etat, ont été séchées par la Cour européenne à qui nous avons demandé asile », a déclaré MeJérôme Triomphe.

François Lambert, le neveu de Vincent, regrette lui « un acharnement de plus pour un corps qui n'en peut plus »« J'espère que la procédure va aller vite car la souffrance de Vincent est constante et croissante. (...) C'est encore et toujours le jusqu'au-boutisme des parents de Vincent qui épuisent toutes les procédures, alors que la Cour européenne ne déjugera certainement pas l'Etat français dans ce domaine comme l'indiquent toutes les jurisprudences », ajoute-t-il.

Interrogé par Le Monde, Eric Kariger, le médecin de Vincent Lambert, dit accepterla décision européenne :

« On va rester professionnels et on espère que nous serons soutenus pendant ce temps qui devient vraiment déraisonnable. On espère que la CEDH saura ne pasprolonger inutilement le temps de l'instruction. »